Aucun regret

Metformine et semaglutide

Je vous reparle de cette patiente. C’est une femme qui a lutté contre son poids toute sa vie, avec un antécédent de chirurgie bariatrique. Elle mesure 155 cm, je vous laisse calculer l’IMC.

Je lui avais proposé de la metformine en début d’année 2023.

Elle a perdu petit à petit du poids, de façon régulière, comme vous pouvez le voir sur la courbe.

Il a fallu, à cette époque, se battre contre le médecin généraliste qui était contre la metformine.

Il a fallu se battre contre les infirmières qui ne voulaient pas délivrer le traitement, car la patiente n’est pas diabétique.

Il a fallu se battre contre la pharmacie, qui refusait de délivrer.

Mais je me suis battu.

La patiente dira que si elle avait eu la metformine plus tôt, elle n’aurait jamais eu la chirurgie bariatrique.

Mi 2024, il y a eu la mise en place de sémaglutide après une consultation avec une nutritionniste.

Le poids a continué de descendre, pas beaucoup plus vite qu’avec la metformine, et je pense donc qu’il n’y avait pas lieu d’arrêter la metformine - ni même de commencer le semaglutide, mais le ça faisait moins peur à tout le monde.

La patiente voulait continuer la metformine. La nutritionniste n’était pas de cet avis, et voulait l’arrêter.

Mais je me suis battu.

A l’avant-dernière consultation, la patiente m’a informée que la metformine était en train de la mettre en difficulté avec son médecin généraliste, son infirmière, et sa nutritionniste.

J’ai déjà des problèmes avec la CPAM. Je ne vais pas me mettre à dos des professionnels de santé en plus de ça.

Nous avons arrêté de nous battre, et la metformine n’a pas été renouvelée.

Deux mois plus tard, à la consultation d’aujourd’hui, le poids est en train d’exploser. La patiente était en pleurs, et ne sait plus quoi faire.

Je reprends les armes, j’ai remis la metformine.

De la même façon, je pense qu’il y a un combat à mener avec les tutelles de santé qui nous font défaut.

Quand l’ANSM et la HAS sont face à une étude qui retrouve que la loxapine, un antipsychotique, est prescrit dans 24% des cas avec deux autres antipsychotiques (donc au total 3 antipsychotiques sur l’ordonnance), et dans 42% des cas un autre antipsychotique (donc au total 2 antipsychotiques sur l’ordonnance de façon prolongée), il ne trouvent pas mieux à faire que de valider son utilisation en aigu.

Ils ont les données, sous les yeux, que la prescription est faite n’importe comment avec cette molécule. Ils savent que ce qui est prescrit en aigu reste en chronique, à des doses énormes qui sont 5 fois supérieures à celles recommandées dans le reste du monde, avec des redondances pharmacologiques énormes…

Et ils valident quand même.

J’invite ceux qui n’ont pas vu la vidéo sur le sujet à la regarder.

Ces gens là laissent laissent tomber le système de soin, et laissent tomber les patients.

Source: Approche thérapeutique d’une population de patients présentant des troubles psychotiques aigus ou chroniques : enquête RÉALITÉ (Recherche Épidémiologique sur l’Activité de la Loxapine et ses Indications en Thérapeutique quotidiennE)

J’ai fait un entretien aujourd’hui avec une maison d’édition pour un livre. On m’a demandé si je regrettais quelque chose dans mon parcours.

Il y a des prises en charge que je regrette. Mais celle-là n’en fait pas partie. Quand j’ai commencé en libéral, j’aurais pu prescrire comme d’habitude, et ne pas prendre de risque pour ma famille ou moi. Je n’avais rien à y gagner. Ca m’aurait fait des consultations beaucoup plus simples.

Mais, pour les patients, j’ai choisi de me battre.

Je suis très reconnaissant à la maison d’édition de m’offrir un autre moyen pour mener cette bataille.

Je suis reconnaissant envers les patients pour lesquels je me suis batu.

Je sais que je peux maintenant compter sur eux, comme ils ont pu compter sur moi.