Voici donc un commentaire sur la vidéo absolument épique que je remets ci-dessous.
Si vous n’avez pas vu la vidéo, il faut la voir avant de continuer.
C’est présenté par des experts.
Il y a tellement de choses qui ne vont pas que je vais devoir faire ça en plusieurs fois. Je mets le premier commentaire en accès libre, c’est tout simplement trop important. Il y en aura d’autres pour les abonnés payant.
La partie qui m’a retourné la cervelle - et qui doit avoir faut sauter plusieurs globes oculaires de leur orbite - est liée à cette diapo:
On est au moment où le patient se retrouve avec 600 mg de chlorpromazine, et 400 mg de levomepromazine, sous forme injectable.
Au bout de 48h, le relai sera fait avec les mêmes doses par voie orale.
Il y a plein de choses à dire, notamment quelle est la pertinence de mettre 2 phénothiazines différentes, mais c’est du détail.
Je pose les bases de pharmacologie pour ceux qui ne sont pas soignants:
Le médicament que vous donnez par voie orale, est métabolisé partiellement à différents endroits avant de joindre la circulation générale, principalement au niveau du tube digestif ou du foie.
Quand vous donnez le médicament par voie orale, pour certains médicaments, seul un certain pourcentage arrivera dans le sang - à cause de cette métabolisation.
Certains médicaments existent par voie orale et par voie parentérale (intra musculaire, ou intra veineuse en l’occurence).
Quand vous donnez le même médicament par voie orale, pour une dose équivalente, vous n’avez pas la même concentration dans le sang que quand vous le donnez par voie intramusculaire.
La testostérone se donne par exemple par voie injectable (entre autres) parce que la métabolisation par voie orale est tellement importante que rien n’atteind la circulation générale.
J’espère que c’est clair pour tout le monde.
Question:
Si je donne 600 mg de chlorpromazine en intra musculaire, ça équivaut à combien de mg de chlorpromazine par voie orale ?
800 ? 1000 ?
Comment savoir ?
Il suffit de regarder la biodisponibilité.
La biodisponibilité c’est le pourcentage de médicament qui passe dans le sang quand donné par voie orale, par rapport à la voie intraveineuse. On va considérer ici que c’est équivalent à l’intra musculaire. En réalité c’est plus compliqué mais sinon on ne va pas s’en sortir
Pour la chlorpromazine, on est autour de 30% de biodisponibilité. Les chiffres varient néanmoins pas mal - ça peut aller jusqu’à 10%, ce qui incite à la plus grande prudence. Ca veut dire si je donne 100 mg de chlorpromazine per os, il n’y aura que l’équivalent de 30 mg de chlorpromazine en intraveineux.
Inversement, si je donne 600 mg de chlorpromazine en intra musculaire ), j’ai donné l’équivalent de 2000 mg de chlorpromazine per os.
Oh mon dieu.
Mais ça n’est pas tout.
On a aussi les 400 mg de levomepromazine en même temps.
Alors, exercice, ça donne combien en per os 400 mg de lévomépromazine intramusculaire ?
Bioavailability: 50% (Dahl 1976)
Donc on est autour de 800 mg équivalent per os.
On a donc l’équivalent de 2000 mg de chlorpromazine per os, et 800 mg de levomepromazine.
On est à des doses de cheval. Mais ça n’a pas dérangé les experts, qui considèrent qu’on peut aller plus haut. J’espère que le service juridique de l’hôpital est compétent s’il se passe un problème un jour.
On aurait pu aller plus vite en regardant le Vidal qui expose le problème de façon moins explicite :
Chlorpromazine: dose maximale 600 mg en per os, 150 mg en intramusculaire
Levomepromazine: dose maximale 400 mg en per os, 200 mg en intra musculaire
On voit bien comment on passe d’un dosage maximal à un autre à cause de la différence de biodisponibilité.
On a donc ici un dépassement de posologie absolument surréaliste. Ce qui en soit n’est pas forcément un problème, mais ça n’a même pas été noté par les présentateurs.
Ca aurait été bien de le mentionner - ou de s’en rendre compte.
Est-ce qu’ils sont au courant de ce problème de biodisponibilité ? Je ne suis pas sûr. Vu qu’ils n’en ont pas parlé et qu’ils disent ensuite faire le relais vers la voie orale sans parler d’adaptation de dose, rien n’est moins sûr.
On est dans le doute.
On n’a visiblement pas lu les mêmes études en tout cas, parce que au delà des doses, l’association n’a aucun sens sur le plan pharmacologique.
Et vu qu’ils déclarent ensuite que grâce à cette association, il n’y a pas trop d’effets secondaire, j’en conclus que nous n’avons pas non plus les mêmes patients.
Si vous soignez un membre de ma famille, que vous balancez ces molécules à ces dosages et qu’il se passe quoi que ce soit, vous avez intérêt à avoir un avocat en béton.
Ce qui m'avait le plus choqué c'est "on peut mettre plus" ... Bah non vraiment pas ...
Franchement Docteur, j ai toujours été nulle en maths, mais alors quand vous expliquez la pharmaco, je trouve ça clair comme de l'eau de roche! Véridique! Merci.