Ca ne fait que 8 ans que je fais de la psychiatrie, mais j’ai déjà fait un paquet d’erreurs. Voici les 44 plus grossières, ça servira peut-être à quelqu’un ! N’hésitez pas partager les votres.
Ne pas contacter l’entourage.
Les entretiens psychiatriques faits seuls avec le patient n’ont aucun intérêt. Plus on soigne des patients lourds, plus c’est vrai.
Je ne compte plus les fois où j’ai fait un entretien d’une heure pour me rendre compte ensuite que le patient avait oublié ou évité des informations qui changeaient toute la prise en charge.
Prendre les recommandations d’expert pour argent comptant.
Les recommandations ne sont qu’un avis d’experts, des experts qui ont été désignés tels quels on ne sait pas toujours comment.
Le serment d'Hippocrate nous engage à pratiquer selon les connaissances médicales actuelles. Pas selon les avis d’experts dont la majorité a des liens d’intérêts très lourds avec le milieu pharmaceutique.
Aucun médecin ne peut se cacher derrière des recommandations pour sa pratique si elles sont mauvaises. D’où qu’elles viennent.
Lire le Vidal.
Le Vidal est un ramassis de conneries en psychiatrie. Le dernier exemple est la posologie entre 75 et 600 mg de loxapine qui est proposée dedant. La loxapine sature les récepteurs dopaminergiques D2 dès 30 mg en moyenne. C’est un véritable scandale.
Ce torche fesse qui n’est jamais mis à jour me met dans l’embarras chaque fois que je le consulte.
Tirer mes conclusions après avoir lu un article.
C’est une des erreurs les plus fréquentes que je rencontre. Les gens lisent un article qui dit que X est vrai, ils considèrent la question tranchée. Jusqu’à ce qu’ils lisent un article qui dit que c’est faux, et là ils changent d’avis, ou ils ignorent l’article.
Il y a peu de sujets qui peuvent être tranchés avec un article et le savoir scientifique s’empile lentement étude après étude.
Me contenter des méta analyses.
Les méta analyses sont un attrape couillon, remplies de tricheries de tous les côtés. Les études sont souvent sélectionnées pour obtenir ce qu’on veut. Il n’y a pas d’obligation de dire comment on va inclure les papiers avant de faire l’étude. On mélange des articles qui n’ont rien à voir. Les limites de ces méta analyses pourraient faire l’objet d’un article en entier.
Il n’y a pas de raccourcis. Si on veut être pertinent, il faut connaitre les limites et les points forts de chaque étude.
Me limiter à la macro-culture psychiatrique.
Il existe un paquet de connaissances pertinentes à avoir avec les livres tels que “Brain energy” et “The body keeps the score”, auxquelles nous ne sommes pas exposés en tant que psychiatres “conventionnels”, et qui n’ont rien à envier aux connaissances plus conventionnelles en terme de niveau de preuve ou de pertinence clinique.
Penser que je pourrai passer à côté du somatique.
J’étais un externe très mauvais, et très en retard sur la partie médicale de la profession. Il faut connaitre de l’endocrino, il faut connaitre de la cardio, il n’y a pas de miracle ni de secret. Au risque de faire absolument n’importe quoi.
Penser que la psychanalyse ne valait rien.
Il existe tout une partie de la psychanalyse qui a été mise à jour et nuancée. C’est une perte de connaissances que de faire un trait complet dessus.
Penser que le DSM était scientifique.
La majorité écrasante des diagnostics du DSM n’a aucun fondement scientifique et a été créé de toute pièce en quelques mois sans aucune recherche. Quand je pense que j’apprenais les critères un par un. Quelle perte de temps. N.Ghaemi s’est exprimé à de nombreuses reprises sur le sujet, mais ce n’est pas le seul.
Ne pas me rendre compte à quel point la littérature est dysfonctionnelle.
La littérature scientifique fonctionne sur le même modèle que les tabloïds.
Ils veulent des choses nouvelles, et le plus possible. La nuance n’a souvent pas sa place. La réplication des études est quasiment inexistante.
Ne pas me rendre compte à quel point l’industrie pharmaceutique a corrompu la médecine.
C’est peut-être la plus grosse erreur. J’avais la prétention de penser pouvoir me rendre compte des opérations mafieuses quand j’en verrai. Il m’aura fallu 8 ans.
Essayer d’imposer ma façon de voir les choses.
Qu’elles soient correctes ou fausses n’a pas d’importance. Mon opinion et mes idées ne peuvent pas être imposées avec du forcing. Ca n’a jamais marché.
Penser que les études scientifiques pouvaient suffire.
Les études - ou l’évidence-based médecine - ne répondent qu’à une infime partie des problématiques cliniques. Et souvent aux questions les plus simples.
Ca ne veut pas dire qu’il faut ensuite faire n’importe quoi. Ca veut dire qu’il faut prendre conscience de ses limites le plus tôt possible. J’ai mis trop de temps.
Ne pas s’excuser auprès des patients.
Je considère les erreurs de mes confrères, les miennes, et celles de la discipline comme étant désastreuses à chaque fois. Je ne m’excusais pas à chaque occasion au début de mon exercice.
Ne pas mettre assez de lithium.
C’est indéfendable. Dès qu’il y a des problématiques thymiques, on doit passer par la case lithium. Bipolaire, cyclothymique, hypersensible, vous appelez ça comme vous voulez.
Ne pas mettre assez de clozapine.
Il m’a fallu trop de temps avant de commencer a prescrire de la clozapine. C’est inexcusable. Et ça ne marche pas que pour la schizophrénie résistante.
Dire que je suis malade trop tôt.
Quand j’ai dit ça trop tôt, ça a juste massacré l’alliance et les patients ne sont pas revenus.
Dire que je suis malade trop tard.
J’ai des patients qui m’ont dit m’avoir fait encore plus confiance à partir de ce moment, j’aurais pu le dire plus tôt; on aurait gagné du temps.
Oublier que les patients ont des années d’expérience.
N’oubliez jamais que les patients ont parfois vu une dizaine de psychiatres. Ils sont bien plus rodés que je ne l’étais au début de mon internat. Certains connaissent déjà les réponses aux questions posées. Beaucoup nous testent. Et c’est bien normal.
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