J’ai accumulé un peu de retard avec les journées de 11h, je vais faire un post un peu plus long pour compenser. Il y a un sondage à la fin pour voir si les gens préfèrent les petits posts quotidiens, ou des posts un peu plus longs plus espacés.
Les gens ne comprennent pas
C’est quelque chose qui revient souvent dans le discours des patients. Que ce soit leurs proches, leurs famille, ou qui que ce soit.
“Les gens ne comprennent pas ce qu’il m’arrive”.
Je vais vous dire ce que j’en pense. Je pense que les gens ne peuvent pas forcément tout comprendre. Je ne m’attends pas à ce que qui que ce soit comprenne ce que c’est que de passer la moitié de son temps en dépression. Je ne prétends pas comprendre ce que c’est que de faire une phase maniaque exaltée et/ou psychotique.
Je pense que c’est une erreur que de penser que tout est compréhensible. J’essaie d’écouter ce dont les patients me parlent. Et pour certains je ne peux que m’imaginer quelque chose de très grossier, qui est probablement à des kilomètres de ce qu’il leur arrive réellement.
Mais ça n’est pas grave.
Je n’ai pas à comprendre pour apporter mon soutien. Et si je ne comprends pas l’expérience à l’origine de la souffrance, je peux comprendre la souffrance qui en découle.
Les patients ne peuvent quant à eux pas comprendre ce que c’est que de vivre avec un proche malade.
Ça marche dans les deux sens.
Prise de poids absolue versus relative
Je pense qu’il est essentiel de chiffrer ces deux éléments quand on parle d’une prise ou d’une perte de poids. 4 kilos pris chez quelqu’un qui en fait 50, c’est très différent de 4 kilos pris chez quelqu’un qui en fait 100.
Les laboratoires qui font des études sur la prise de poids utilisent aussi ce genre d’astuce, en utilisant parfois la prise de poids absolue, le poids relatif, et parfois le pourcentage de patients qui ont pris X % de leurs poids en kilos (souvent 7%). Les résultats ne sont pas les mêmes à chaque fois.
Je rappelle que l’olanzapine entraine une prise de poids supérieure à 7% du poids de corps pour 80% des patients ( chez des patients psychotiques, quand prescrite en début de prise en charge).
Je ne me lasse pas de ce chiffre.
Screening de cancer
J’ai raté un diagnostic de cancer du rectum chez une patiente dépressive. C’est en cours de bilan.
J’ai récupéré la patiente récemment, elle se plaignait de diarrhée depuis la mise sous quétiapine, je n’ai pas apporté plus d’attention à ça.
Il se trouve qu’en réalité il y avait une alternance de diarrhée et de constipation qui évoluait depuis plusieurs mois, avec une consistance de selles très fluctuante. La patiente s’est retrouvée en occlusion quasi chirurgicale après la majoration de la quétiapine.
Il aurait fallu explorer ces troubles digestifs avant de se ruer sur le psychotrope:
parce que le cancer peut tout à fait expliquer (ou au moins participer à) la fatigue, l’anhédonie, et virtuellement tous les symptômes qu’on raccroche à la dépression
parce que la quétiapine est extrêmement anticholinergique, et que le risque d’occlusion est tel que la recherche d’une constipation doit précéder la prescription.
Je n’ai jamais vu d’agranulocytose sous clozapine (je dis bien agranulocytose et pas neutropénie). J’ai vu plusieurs occlusions sous clozapine, et tout autant sous quétiapine - en réalité plus sous quétiapine, car prescrite plus souvent.
L’occlusion a eu lieu en passant de 50 à 100 mg.
On peut aussi le voir autrement et se dire que l’occlusion a permis de se rendre compte du cancer, mais ça reste une erreur de ma part.
Screen urinaire des benzos
La majorité des tests urinaires utilisés pour dépister les benzodiazépines réagissent avec l’oxazépam (Seresta) qui est aussi un métabolite actif de plusieurs benzodiazépines, notamment du nordiazépam.
Le nordiazépam était lui aussi une benzodiazépine vendue comme telle (Nordaz).
C’est le nordiazépam qui est à l’origine de la demi-vie énorme des benzodiazépines dont il est le métabolite.
Ont été rajoutés pour certains tests les métabolites de l’alprazolam (Xanax), lorazepam (Temesta), et clonazepam (Rivotril), mais c’est loin d’être démocratisé, et le seuil de positivité est trop élevé pour être formel.
Le zopiclone et le zolpidem ne sont quant à eux pas détectés.
La patiente qui a fait une tentative de suicide au zopiclone mais qui a un screen négatif aux benzodiazépines a peut-être réellement fait un geste suicidaire.
Les tests urinaires pour les benzodiazépines sont des “immunoassays”, avec des possibilités de faux positifs dus à l’insuffisance de spécificité du test, et qui rend toute quantification impossible.
Quand les enjeux sont importants, il convient de faire un dosage plus précis et quantitatif avec une chromatographie en phase liquide-spectrométrie de masse (Liquid Chromatography-Mass spectrometry LC-MS).
Ca ressemble à ça:
Un coup de génie
La FDA a donné son feu vert pour Zurnai, le stylo auto injecteur à base de nalmefene hydrochloride. C’est un antagoniste sur les récepteurs aux opiacés mu, à utiliser donc dans les surdosages d’héroïne, fentanyl (avec moins de succès dans ce cas-là), etc.
Le Zurnai est produit par Purdue Pharma.
Là où c’est grandiose, c’est que c’est la même compagnie qui a participé à ce que les USA soient arrosés d’opiacés avec son produit phare: l’Oxycontin. C’est très fort.
Ils vendent le problème… et ils vendent aussi la solution.
Je rappelle que la naloxone (qui est aussi un antagoniste aux opiacés) ne marche pas contre les adjuvants présents, à savoir la xylazine par exemple.
En 2020, 23% des poudres de Fentanyl saisies (et 7% des comprimés) contenaient de la xylazine, selon la DEA.
La xylazine est un alpha 2 agoniste (comme la clonidine par exemple) utilisé en médecine vétérinaire, qui peut entrainer une nécrose cutanée quand injectée.
Ce qu’il ne faut PAS faire
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