Question pour les avocats du coin:
Est-ce qu’il est constitutionnel de refuser l’accès à un médicament à cause du sexe du patient, ici à une femme - sur le principe qu’elle pourrait tomber enceinte ?
Mon cas est le suivant:
Patiente sous clozapine, pour une schizophrénie résistante.
La patiente pesait 55 kilos avant d’entrer dans le parcours de soin psychiatrique.
Elle a pris une dizaine de kilos avec les antiproductifs/neuroleptiques classiques, qui n’ont rien fait.
Elle est depuis sous clozapine, une molécule connue pour entrainer une prise de poids majeure.
Quand je la rencontre pour la première fois, elle pèse 82 kilos.
Le poids continue de monter, et en parallèle du poids, une faim handicapante. J’ai bien dit handicapante. La patiente est à ce stade plus gênée par la faim que par les hallucinations.
La metformine ne fait rien pour limiter la faim.
Je mets du topiramate.
La faim diminue, la prise de poids ralenti, pour s’inverser à partir de janvier 2024.
Elle perd 1 kilos par mois à partir de cette date, ce qui est tout à fait honorable.
Puis la pharmacie refuse la délivrance, mettant en avant l’obligation décidée par l’ANSM d’avoir une prescription initiale faite par un neurologue.
Depuis le 2 mai 2023, pour les filles, adolescentes, femmes en âge de procréer et femme enceintes :
La prescription de topiramate (Epitomax et génériques) doit être réalisée annuellement par un neurologue ou un pédiatre. Le renouvellement est possible par tout médecin dans l’intervalle. La patiente et le neurologue ou le pédiatre doivent signer tous les ans un accord de soin, établissant que la patiente a bien été informée des risques du traitement pour son enfant à naitre en cas de grossesse.
La dispensation en pharmacie ne peut se faire que sur présentation :
D’une ordonnance établie par un neurologue ou un pédiatre datant de moins d’un an ;
De l’accord de soin signé par la patiente (ou par son représentant légal), ainsi que par le neurologue ou le pédiatre.
Il n’y a pas de neurologue qui accepte de faire cette prescription initiale dans la région, la patiente ne peut donc pas y avoir accès.
La patiente reprend du poids comme jamais, je vous laisse voir le graphique.
Bien évidemment, la patiente a un moyen de contraception, et est prête à faire plus ou moins n’importe quoi pour limiter cette prise de poids catastrophique. Elle est parfaitement à même de comprendre les risques d’une potentielle grossesse, et la famille est au clair dessus également.
Je précise qu’une des passions de la patiente est la mode, je vous laisse imaginer l’impact de la prise de poids - au delà de toute considération médicale.
Et donc je repose ma question : est-ce que c’est légal ?
Et si non, qui a eu cette idée de merde ? Et que faut-il faire ?
Merci !
Je précise que ça n’est pas les pharmacies qui sont en cause. La CPAM les aurait appelées pour leur dire de faire attention avec mes prescriptions, et c’est de toute façon une injonction de l’ANSM. Ils peuvent être sérieusement emmerdés s’il délivre du topiramate sans répondre à ces exigences.
Comme ça je dirais qu'on pourrait argumenter que c'est un refus de soin et/ou une discrimination... mais bon, je ne suis pas experte.
Ce n'est pas de la médecine, c'est de la politique. Tout est fait pour décourager celles et ceux pour qui enfanter n'est pas l'alpha et l'omega de la vie.
On pourrait arguer que la prescription du topiramate nécessite une connaissance approfondie de la molécule et de sa pharmacodynamie et pharmacocinétique (dans l'hypothèse où l'accord de soin exigé ne se limite pas aux risques liés à une éventuelle grossesse) mais en quoi le pédiatre apparait comme plus légitime que le psychiatre ou le pédopsychiatre sur ce sujet ?
Une autre question en filigrane mais bien plus large est la pertinence de cette distinction entre neurologie et psychiatrie en tant que spécialités (me tirez pas dessus, je pose juste la question, je ne me positionne pas).
Je suis curieux et j'espère qu'avocat passant par ici saura répondre à votre question.