Comme vous le savez sûrement, la CPAM est en train de se lancer à la chasse à l’arrêt maladie, avec la fameuse mise sous objectif. Pour faire simple, si vous prescrivez trop d’arrêt de travail, vous avez le droit à un “entretien confraternel”, et on vous met la pression pour en prescrire moins.
C’est le même “entretien confraternel” auquel j’ai eu droit avec les deux médecins conseils de la CPAM de Laval. Aujourd’hui encore, je continue de dire que c’est l’interaction la plus dégradante que j’ai eu de ma vie. Je ne veux revivre ça sous aucun prétexte.
J’ai vu un patient vendredi dernier, pour son dernier jour d’arrêt maladie.
C’est un patient qui, pour être honnête, n’a pas été tout à fait gâté par la vie. Il est issu d’une mère malade, né dans l’alcool et les violences intraconjugales, avec des problématiques neurologiques diverses.
Il était en arrêt maladie pour gérer la pluie d’emmerde qui s’était abattue sur lui sur les dernières semaines: un accident de voiture, un switch forcé d’un antidépresseur à cause des ruptures, un père gravement malade sans médecin généraliste, et j’en passe.
Néanmoins, je ne pense pas qu’il soit dépressif.
Tout dépend, bien sûr, de ce qu’on entend par dépressif. Est-ce qu’il est dépressif au sens DSM du terme ? Probablement pas.
Est-ce qu’il est dépressif au sens “maladie mentale”, comme on pourrait parler d’une schizophrénie ? Probablement pas.
Je ne suis pas sûr.
Je ne pense pas.
Toujours est-il que quand on a abordé la problématique de l’arrêt maladie, je lui ai dit que je ne pourrai pas le renouveler, en lien avec la CPAM qui commence à fliquer tout le monde. Vu que j’ai déjà de base des relations plus que tendues avec nos amis, et que le patient ne répond pas aux critères d’une dépression, je ne prends pas le risque.
Le patient n’a plus dit grand chose sur le reste de l’entretien. Il s’est fermé. Il a versé quelques larmes. Et c’en était terminé.
Je ne pense pas que je retrouverai le patient décédé d’un suicide dans les semaines qui viennent. Mais je pense que la relation que nous avions s’est modifiée.
Ce qui est sûr, c’est qu’il y a maintenant une tension pour moi. Une tension entre l’intérêt des patients - qui doivent avoir un arrêt maladie si je l’estime nécessaire - et le mien; qui doit me protéger d’avoir de nouveau affaire à eux.
Ce qui est aussi sûr, c’est qu’on se retrouve en tant que médecin à être le dernier maillon de la chaîne, à faire des arrêts parce le système est en train de se casser complètement la gueule.
Malheureusement, je ne suis pas le seul médecin dans ce cas; et on voit des témoignages similaires de plus en plus fréquemment.
Je ne sais pas qui a pensé que les médecins allaient pouvoir devenir des agents de la dépense de santé publique avec les arrêts maladies. Il y avait des dizaines de façon de responsabiliser les médecins quant à la dépense de santé qu’ils engendrent; mais je ne suis pas sûr que des les mobiliser pour les arrêts de travail soit une bonne idée.
Le temps nous dira ce qu’il en est.
C´est évident que la relation au patient a changé. Le mec est sans doute au bord du gouffre et on lui dit qu´il n´a et n´aura plus aucune issue de secours si ça ne va pas. C'est quoi ses options? Poser congés? Ça ne couvre que 5 semaines et encore faut il que l´employeur accepte ce qui n´est pas certain du tout, selon l'organisation de l´entreprise. Ne pas se pointer au boulot et se faire virer? A court terme oui ça résoudra quelques problèmes, à long terme ça aggravera sa situation. Le problème dans tout ça c'est que les politiciens grâce à leurs lois font des médecins leurs bras armés pour obliger les gens malades ou qui vont mal à bosser quand même. Si j'étais cynique, je dirais que de nos jours si on a des problèmes de santé ou perso il vaut mieux se faire licencier et finir aux minimas sociaux pour avoir le droit et le temps de se soigner. En tout cas ce qui est certains c'est que de telles directives et pressions exercées ça n'a absolument rien d´humaniste.
Bonsoir,
J espère sincèrement que vous vous trompez pour votre patient...
Perso, pas sur de pouvoir tenir dans un tel cas pour avoir vecu qqc de similaire (mes parents dcd et maintenant avec un conjoint a tendance suicidaire. Comme ca ca fera 2 assures en moins. vive les économies pour la cpam et l etat (retraite future)...Je suis sarcastique mais mon conjoint a un controle CPAM jeudi prochain pour son arret maladie reconnue de nature professionelle. Et moi fonctionnaire un contrôle avec un psychiatre medecin agree le lundi suivant. On a respectivement 60 et 53 ans...
En plus, je suis dans l Eure vous savez le dernier département métropolitain en terme de medecin traitant. Même pour le diabète de type 2 de mon conjoint, insulino dependant c est la galere....