Traduction du Podcast du Carlat Psychiatry Report, disponible ici.
Les phrases en italique ont été rajoutées par moi et ne reflètent pas forcément les opinions des auteurs du podcast.
KELLIE NEWSOME: Le DSM n'est pas la seule façon d'évaluer les patients, et aujourd'hui, nous discutons avec Margaret Chisolm d'un autre modèle, qui a été développé en même temps que le DSM-III et qui va un peu plus loin que DSM. Bienvenue dans The Carlat Psychiatry Podcast, qui maintient l’honnêteté en psychiatrie depuis 2003.
CHRIS AIKEN : Je suis Chris Aiken, rédacteur en chef du Carlat Report.
KELLIE NEWSOME : Et je suis Kellie Newsome, infirmière en psychiatrie et lectrice assidue de chaque numéro.
CHRIS AIKEN: Les psychiatres étaient autrefois fiers de leurs riches récits personnels, des documentaires tissés d’un entrelacement complexe d’histoire développementale, d’événements de vie, de conflits internes et de symptômes externes. Mais quelque part en cours de route, nous avons échangé tout cela contre une simple liste de diagnostics du DSM. Peut-être que cela a commencé dans les années 1980, lorsque les assurances ont menacé de refuser la prise en charge si nous ne fournissions pas une liste de diagnostics médicaux. Ou dans les années 1990, lorsque les conférences financées par l’industrie ont commencé à envahir le débat, mettant l’accent sur les diagnostics pour lesquels leurs médicaments étaient approuvés. Ou peut-être que cela a eu lieu lorsque nous avons cessé d’utiliser la psychothérapie comme traitement principal.
Et aussi quand les autorités de santé se font complices des laboratoires pharmaceutiques en question.
KELLIE NEWSOME: Mais même si vous ne pratiquez pas la psychothérapie, vos patients attendent plus de vous. La révolution de la psychopharmacologie a laissé beaucoup de patients démunis. Seul un patient sur trois se rétablit complètement sous antidépresseur. Les symptômes négatifs empêchent les personnes atteintes de schizophrénie de mener une vie épanouie, même lorsqu'elles « répondent » à un antipsychotique. Et 30 à 60 % des personnes atteintes de troubles bipolaires continuent de souffrir de problèmes cognitifs invalidants, même après la résolution de leurs symptômes de l’humeur. La plupart des patients veulent que nous examinions leur problème sous tous les angles avant de prescrire un médicament – ils méritent une analyse complète, analyse qui favorise la confiance. Aujourd’hui, nous allons vous présenter une méthode d’évaluation qui fait exactement cela. Elle s’appelle Perspectives in Psychiatry, et elle a été développée par deux psychiatres de Johns Hopkins : Paul McHugh et Phillip Slavney. D’autres auteurs, comme Nassir Ghaemi et Margaret Chisolm que nous allons entendre dans l’interview d’aujourd’hui, ont approfondi ce modèle.
CHRIS AIKEN: Le modèle Perspectives a émergé dans les années 1970 et au début des années 1980, une période où la psychiatrie était fragmentée dans de nombreuses directions : biologique, comportementale, existentielle, humaniste, sociale, cognitive et psychanalytique. Le DSM a tenté de remodeler ces approches en un modèle médical catégoriel, tandis que McHugh et Slavney les ont organisées en quatre perspectives distinctes, qui nous permettent de recueillir une histoire clinique et de trouver des solutions pragmatiques pour nos patients. À Johns Hopkins, vous avez une manière d’aborder les maladies mentales qui diffère du modèle biopsychosocial ; parlez-nous-en.
MARGARET CHISOLM: Paul McHugh et Phillip Slavney, lorsqu’ils sont arrivés à Hopkins au milieu des années 1970, réfléchissaient vraiment à ce dont la psychiatrie avait besoin pour avancer, pour faire progresser le domaine. Et ils ont développé ce modèle appelé The Perspectives of Psychiatry, qui explicite en réalité ce que les psychiatres font déjà implicitement. Leur modèle a été utilisé non seulement pour l’enseignement de la psychiatrie, mais aussi pour sa pratique, et il donne vraiment un cadre permettant de comprendre l’origine des problèmes des patients. Il ne se concentre pas tant sur le diagnostic, mais plutôt sur la formulation des patients : comprendre l’origine des problèmes, prioriser les traitements et aider les patients à vivre pleinement leur vie.
CHRIS AIKEN: Et quelles sont les quatre perspectives de ce modèle ?
MARGARET CHISOLM: Il existe un moyen mnémotechnique pour s’en souvenir : HIDE - caché en Anglais.
La première perspective est celle de la maladie (Has), qui consiste à se demander si le patient a une maladie. La deuxième est la perspective dimensionnelle (Is), qui examine si le problème provient de la personnalité du patient, c'est-à-dire de qui il est. La troisième est la perspective comportementale (Doing), qui s’intéresse à savoir si le problème résulte de ce que le patient fait, comme restreindre son alimentation ou consommer des substances. Enfin, la quatrième est celle de l’histoire de vie (Encountered), qui se demande si le problème découle de ce que le patient a rencontré ou vécu.
Donc, HIDE :
Has (Maladie) : Le patient a-t-il une maladie ?
Is (Dimensionnelle) : Le problème vient-il de qui il est ?
Doing (Comportementale) : Le problème est-il causé par ce que le patient fait ?
Encountered (Histoire de vie) : Le problème vient-il de ce que le patient a rencontré ?
Ce sont donc les quatre perspectives.
CHRIS AIKEN: Un problème présenté par un patient pourrait donc correspondre à une ou plusieurs de ces perspectives.
MARGARET CHISOLM: Oui, c'est un point vraiment important. Ces perspectives interagissent entre elles. Par exemple, la manière dont une personne réagit à ce qu’elle rencontre est influencée par sa personnalité, ce qui relève de la perspective dimensionnelle. Si quelqu'un a une maladie, c'est un événement de vie qu'il a rencontré, et il devra naturellement lui donner un sens – ce qui montre l'interaction entre la perspective de la maladie et celle de l’histoire de vie. Elles sont donc toutes interconnectées. Lorsque nous enseignons le modèle Perspectives, nous les séparons pour des raisons pédagogiques, mais dans la pratique clinique, il faut les intégrer pour chaque patient.
CHRIS AIKEN: Si je ne me trompe pas, le DSM considère actuellement l’ensemble de ses quelque 300 troubles à travers une seule de ces perspectives – le modèle médical. C’est bien cela ?
Il y a dans le DSM un mélange de maladies et d’autres choses qui n’ont rien à voir. Les “troubles” du DSM ne se valent pas tous, et il est important de différencier les troubles sérieux de ceux qui ont été créés sur un coin de table par quelques experts en un claquement de doigt.
MARGARET CHISOLM: Je ne pense pas que ce soit ce qui était initialement prévu. Le DSM était censé être athéorique, c’est-à-dire ne pas aborder les origines de ces syndromes. Mais en classifiant et en catégorisant les troubles avec des listes de signes et de symptômes, il sous-entend que ce sont des maladies. Et je pense que cela a en réalité limité notre capacité à prendre en charge les patients de manière holistique. Souvent, nous adoptons uniquement la perspective de la maladie : nous vérifions si un patient remplit les critères diagnostiques du DSM, et s’il les remplit, nous nous arrêtons là.
Or, à Hopkins, nous utilisons aussi le DSM, mais nous l’intégrons dans le Perspectives Model. Nous ne nous arrêtons pas simplement à un diagnostic DSM. Nous nous demandons : « Peut-on examiner les problèmes de ce patient sous un autre angle ? Peut-être que ce n'est pas uniquement une maladie, ou peut-être que ce n’est pas une maladie du tout. Ou au contraire, peut-être que tout est une maladie. Mais quoi qu’il en soit, cette maladie affecte une personne qui a une personnalité spécifique. Cette maladie touche un être humain qui va forcément chercher à donner un sens à ce qu’il traverse. »
Il est donc essentiel d’examiner le patient sous ces quatre perspectives, même si le problème principal qui l’amène en consultation s’explique avant tout comme une maladie – c’est-à-dire un syndrome clinique ayant une évolution définie, une pathophysiologie sous-jacente et, en fin de compte, une étiologie propre.
CHRIS AIKEN: Ca se tient, car je n’ai jamais vraiment compris la physiologie du trouble de l’adaptation. Dans cette optique, y a-t-il des troubles ou des maladies du DSM qui, selon vous, sont mieux expliqués par d’autres perspectives ? Par exemple, la schizophrénie semble clairement bien comprise à travers le modèle médical, mais y a-t-il d’autres perspectives mieux adaptées pour certains troubles du DSM ?
MARGARET CHISOLM: Oui, certains troubles du DSM ne sont clairement pas censés être des maladies, comme le trouble de l’adaptation, par exemple. C’est un point que je voulais souligner : même si la plupart des troubles du DSM sont considérés comme des maladies, ce n’est pas le cas de tous. D’ailleurs, dans les anciennes versions du DSM, les troubles de la personnalité n’étaient pas forcément perçus comme des maladies.
Mais je ferais deux distinctions ici. Tout d’abord, comme je l’ai mentionné, notre approche ne consiste pas tant à poser un diagnostic qu’à formuler une compréhension des origines du problème ou des problèmes du patient. Cette démarche reste valable, même lorsqu’on considère qu’une personne souffre d’une maladie. Ensuite, il est évident que certains troubles du DSM sont bien établis comme des maladies : la schizophrénie, les lésions cérébrales traumatiques – ces troubles font consensus. De même, les épisodes maniaques sont largement reconnus comme des maladies.
A ce stade je pense qu’il aurait été indispensable de donner une définition du terme maladie. C’est loin d’être quelque chose de consensuel - tout le monde n’est pas d’accord.
Mais il existe de nombreuses zones grises. La dépression en est une grande. Et maintenant, on a même introduit un diagnostic de trouble du deuil prolongé. Je dirais donc que certains troubles ou problèmes sont mieux expliqués par ce que la personne a rencontré dans sa vie, par sa personnalité ou encore par ce qu’elle fait activement.
Prenons l’exemple des addictions. Beaucoup de psychiatres les considèrent comme des maladies. Nous, nous faisons une distinction. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de bases biologiques, mais il y a une différence qualitative entre la schizophrénie, qui survient chez une personne, et le trouble lié à l’usage des opioïdes, qui ne s’exprimera pas si la personne est isolée sur une île déserte.
Je ne vais pas me faire beaucoup d’amis en disant cela – et pourtant, je suis certifiée en addictologie – mais ceux qui ont vécu une addiction savent qu’il y a une part de choix dans ce processus. Les Alcooliques Anonymes (AA) le reconnaissent d’ailleurs. Bien sûr, ce choix est de plus en plus restreint au fil du temps, car l’apprentissage conditionné et la compulsion rendent extrêmement difficile la prise d’une décision différente. Ce n’est pas un choix anodin d’utiliser des drogues, mais il y a tout de même un élément de choix qui diffère fondamentalement de la schizophrénie ou de la manie.
C’est là aussi un peu plus compliqué, si je vous mets un pistolet sur la tempe et vous menace de tirer si vous ne consommez pas de cocaïne, vous avez le choix de ne pas le faire.
Ainsi, nous classons les troubles du comportement – troubles liés à l’usage de substances, troubles alimentaires – comme appartenant à une même famille, car ils partagent une triade conceptuelle commune : le choix, l’apprentissage conditionné et la compulsion.
CHRIS AIKEN: D'accord, donc vous dites que ces troubles sont peut-être mieux compris à travers la perspective comportementale ?
MARGARET CHISOLM: Oui, je pense que nous dirions que ce problème est mieux compris sous l’angle comportemental. Mais cela ne signifie pas qu’il ne relève pas de la perspective médicale ; nous disons simplement que ce n’est pas une maladie au même titre que la schizophrénie ou la manie. Plutôt que de rechercher un processus physiopathologique ou une étiologie pour proposer une guérison dans ce sens, il peut être plus pertinent d’intervenir en réduisant la compulsion (drive) avec des médicaments – ce que nous pouvons faire –, ou en proposant des stratégies de conditionnement pour détourner le comportement, ou encore en soutenant les personnes dans leurs choix d’abstinence.
Donc, ce n’est pas que nous ne considérons pas ces troubles comme médicaux ; nous reconnaissons bien sûr les forces biologiques en jeu et nous pouvons même proposer des médicaments. Mais ces médicaments ne ciblent pas forcément une "partie défaillante" du cerveau comme dans d’autres maladies. Ils servent plutôt à perturber le comportement en interrompant un élément du cycle addictif.
CHRIS AIKEN: Juste pour clarifier, la compulsion (drive) est-elle synonyme d’envies irrépressibles (cravings) ?
MARGARET CHISOLM: Elle peut l’être, oui.
CHRIS AIKEN: J’ai tendance à voir la compulsion (drive) comme quelque chose de positif – on veut que les gens aient une motivation, une impulsion à agir.
MARGARET CHISOLM: Oui, mais tout dépend de l’objet de cette compulsion. Si c’est la pédophilie, par exemple, vous ne voulez pas que la personne ait cette impulsion, n’est-ce pas ? Dans ce cas, on cherche à réduire la libido.
KELLIE NEWSOME : Faisons une pause pour un aperçu du quiz CME de cet épisode.
Parmi les perspectives suivantes décrites par le Dr Chisolm, laquelle ne fait pas partie des quatre perspectives abordées dans ce podcast ?
A. La perspective de la maladie
B. La perspective dimensionnelle
C. La perspective cognitive
D. La perspective comportementale
CHRIS AIKEN: J’imagine cela comme quatre leviers : en écoutant le patient et en le comprenant, certains leviers montent ou descendent. Par exemple, s’il a fait une tentative de suicide lors d’un épisode maniaque, le modèle de la maladie sera dominant. En revanche, d’autres tentatives de suicide pourraient être comprises comme des comportements façonnés par une histoire de vie qui a abouti à une série d’événements.
MARGARET CHISOLM: Exactement. En fait, le modèle Perspectives est utilisé justement parce qu’il offre une métaphore visuelle pour examiner les problèmes des patients sous différents angles. Quand quelqu’un me raconte son histoire, j’ai toujours en arrière-plan cette réflexion : « Cela ressemble davantage à une maladie, cela ressemble plutôt à un comportement, ces éléments interagissent de cette façon. »
Donc oui, ces perspectives ne sont pas mutuellement exclusives ; elles interagissent, et certaines peuvent être plus pertinentes à différentes étapes d’un trouble. D’ailleurs, j’utilise le terme trouble (illness) dans un sens large – il ne désigne pas uniquement une maladie au sens médical.
CHRIS AIKEN: Je comprends – et ce n'est peut-être pas une coïncidence – que ce modèle ait été développé à Johns Hopkins, où enseignait Adolph Meyer. Il me semble que l'un des éléments fondamentaux de sa perspective était son approche athéorique, cherchant à examiner les multiples interactions entre la vie, l’environnement et la biologie. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette influence historique et sur l’évolution de ce modèle ?
MARGARET CHISOLM : Oui, Adolph Meyer s’intéressait beaucoup à la trajectoire de vie des patients, et nous avons conservé certains des schémas qu’il réalisait pour illustrer leurs histoires de vie. Il s’agissait de torpedo drawings – des dessins longitudinaux très détaillés retraçant leur parcours. Son héritage principal à Hopkins est cette approche qui consiste à recueillir une histoire extrêmement détaillée et approfondie du patient, en commençant par les antécédents familiaux puis en avançant dans le temps jusqu’au problème actuel.
Personnellement, il me faut généralement au moins une heure pour recueillir cette histoire auprès d’un patient, parfois plus. Mais en une heure, j’ai en général une assez bonne compréhension de qui est le patient en tant que personne, de ce qu’il a fait et de ce qu’il a traversé dans sa vie. Cela me permet alors de placer son problème actuel dans un contexte plus large.
KELLIE NEWSOME: Adolph Meyer a été le premier directeur du département de psychiatrie à Johns Hopkins et l’un des psychiatres les plus influents du XXe siècle. Il croyait qu’aucune théorie unique ne pouvait expliquer entièrement un patient et adoptait donc une approche pragmatique, cartographiant toutes les influences biologiques, sociales et psychologiques dans une ligne du temps retraçant l’histoire du patient.
Il considérait les troubles mentaux comme une réaction à ces influences. Son impact est visible dans les premières éditions du DSM, où chaque trouble était initialement classé comme une réaction.
CHRIS AIKEN: Vous avez l’air de prendre l’histoire psychiatrique d’une manière assez historique, en examinant comment ces différentes perspectives s’expriment à différentes époques de la vie. Est-ce exact ?
MARGARET CHISOLM : En fait, ce que j’essaie de faire en recueillant cette histoire, c’est vraiment comprendre qui est cette personne, ce qu’elle a vécu, quels peuvent être ses facteurs de risque de maladies – notamment à travers les antécédents familiaux. Mais l’objectif principal est de la comprendre en tant que personne et de comprendre sa souffrance. L’essentiel est donc de cerner qui elle est et quelle est la nature des problèmes qu’elle nous apporte, afin que nous puissions ensuite déterminer comment les traiter au mieux.
CHRIS AIKEN: Et il semble que vous utilisiez ce modèle avec tous vos patients, est-ce exact ?
MARGARET CHISOLM: Absolument. Et parfois, je suis très explicite à ce sujet dès le début de la séance. Lorsque quelqu’un vient me voir avec un problème, je lui explique ma manière d’aborder les choses :
"Voyons cela ensemble : est-ce quelque chose que vous avez (perspective de la maladie) ? Est-ce lié à qui vous êtes (perspective dimensionnelle) ? Est-ce causé par quelque chose que vous faites (perspective comportementale) ? Ou est-ce dû à quelque chose que vous avez rencontré (histoire de vie) ? Comment comprenez-vous ce qui se passe ?"
Souvent, les patients me répondent : "Oh, c’est un peu tout à la fois."
Donc parfois, nous sommes très transparents avec le modèle, mais ce n’est pas systématique pour chaque patient. Toutefois, il est souvent utile, en début de suivi, d’écouter comment le patient perçoit lui-même l’origine de ses problèmes.
CHRIS AIKEN: Et il semble que, quel que soit le problème pour lequel ils viennent vous voir, cette approche leur permet de devenir davantage acteurs de leur propre changement, et de vous voir comme un partenaire dans ce processus.
MARGARET CHISOLM: Absolument, c'est un processus collaboratif. Après une heure d’interrogation, je pose toujours une question finale... Mais avant même de commencer cette heure, je précise les rôles. Je leur demande d’abord s’ils ont déjà consulté un psychiatre, puis je leur explique :
"Cela pourrait être différent de ce que vous avez vécu auparavant, car je vais vous poser beaucoup de questions pendant environ une heure. Ensuite, je vous dirai ce que j’en pense, et nous verrons ensemble la suite."
À la fin de l’entretien, je demande toujours :
"Y a-t-il quelque chose que je n’ai pas demandé ou que vous ne m’avez pas dit et que vous pensez important que je sache ?"
En général, les patients sont tellement épuisés à ce moment-là qu’ils me répondent:
"Non, vous savez tout de moi maintenant."
Ensuite, je partage ma formulation en utilisant le modèle des Perspectives. Je leur dis :
"D’après moi, vous présentez un syndrome clinique. Vous avez certains facteurs de risque pour cela."
Si je pense qu’il s’agit d’une maladie, je le précise, mais je ne m’arrête jamais là.
J’explique aussi leur tempérament affectif et comment il pourrait jouer un rôle.
J’aborde les comportements maladaptatifs qu’ils pourraient avoir et leur impact sur leurs problèmes.
Nous discutons de l’influence de leur histoire de vie sur leurs difficultés.
Évidemment, si quelqu’un consulte pour un deuil après un décès, son histoire personnelle est un élément clé.
Ensuite, je leur demande :
"Voici comment je comprends la situation. Qu’en pensez-vous ?"
J’écoute leurs retours, puis nous discutons des traitements possibles en fonction de toutes les perspectives concernées.
KELLIE NEWSOME: Margaret Chisolm est professeure de psychiatrie à l’Université Johns Hopkins. Elle est l’auteure de plus de 150 articles scientifiques et de deux livres qui explorent les perspectives en psychiatrie :
Un ouvrage pour les professionnels : Systematic Psychiatric Evaluation
Un ouvrage destiné aux patients : From Survive to Thrive: Living Your Best Life with Mental Illness
Une version abrégée de cette interview est parue dans l’édition de mars 2022 du Carlat Report et est disponible en ligne.
CHRIS AIKEN: Envoyez-nous vos retours à asktheeditor@thecarlatreport.com.
Un grand merci à Daniel Zigman de l’Université McGill, qui nous a corrigés dans l’épisode de la semaine dernière.
Nous avions mentionné que l’hydroxyzine (Atarax) avait de forts effets anticholinergiques, ce qui était erroné. En réalité, l’hydroxyzine a des effets faiblement anticholinergiques.
Cette erreur met en lumière un paradoxe pharmacologique :
L’hydroxyzine et la diphénhydramine sont toutes deux des “antihistaminiques”.
Mais aux États-Unis, l’hydroxyzine est sur prescription, tandis que la diphénhydramine (Benadryl) est en vente libre.
Pourtant, la diphénhydramine est fortement anticholinergique, alors que l’hydroxyzine l’est très peu.
💡 Comment utiliser cette information en pratique ?
Si un patient utilise de la diphénhydramine en vente libre pour dormir (ce qui est fréquent avec des médicaments comme Tylenol PM ou Advil PM, même en l’absence de douleur), proposez-lui une alternative plus sûre :
✅ Remplacez la diphénhydramine par l’hydroxyzine sur prescription.
✅ Expliquez aux patients que l’ajout de paracétamol ou d’ibuprofène dans ces médicaments n’aide pas à dormir et peut même être nocif pour le foie, l’estomac ou les reins.
✅ Mieux vaut prendre uniquement la diphénhydramine si nécessaire… ou, encore mieux, passer à l’hydroxyzine.
La diphenhydramine en France est commercialisée dans l’ACTIFED (avec du paracétamol et de la pseudoéphédrine). Je déconseille fortement d’avoir recours à l’ACTIFED, qui est de toute façon exclusivement sous ordonnance depuis peu.
On la retrouve aussi dans le NAUTAMINE, disponible sans ordonnance.
L’hydroxyzine peut avoir des effets anticholinergiques prononcés chez certains patients. Il existe, comme d’habitude, des exceptions.
KELLIE NEWSOME: La semaine prochaine, nous discuterons avec le Dr Chisolm des questions qu’elle utilise pour explorer les quatre perspectives en psychiatrie.
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Les crédits CME ne sont pas reconnus en France.
Ce post est public.
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Merci aux éditeurs du Carlat pour leur confiance.
Je n’aurais pas traduit drive par compulsion, les termes n’ayant rien à voir. Drive est une « impulsion », avec souvent l’idée d’un désir qui fait l’objet d’un contrôle préalable et d’une décharge des tensions internes. Une compulsion appartient au registre des TOC, c’est un acte vécu comme contraignant, qu’on ne peut pas s’empêcher de faire même si la personne reconnaît l’absence d’utilité, voire l’absurdité.
L’idée de différencier les concepts est de voir comment ils se recoupent dans certaines situations cliniques.